L'Afrique fantôme. De Dakar à Djibouti (1931-1933)
Michel LeirisEn 1930, alors que, surréaliste dissident, il travaillait à la revue Documents, Michel Leiris fut invité par son collègue l'ethnographe Marcel Griaule à se joindre à l'équipe qu'il formait pour un voyage de près de deux ans à travers l'Afrique noire. Écrivain, Michel Leiris était appelé non seulement à s'initier à la recherche ethnographique, mais à se faire l'historiographe de la mission, et le parti qu'il prit à cet égard fut, au lieu de sacrifier au pittoresque du classique récit de voyage, de tenir scrupuleusement un carnet de route. Mais, tour personnel donné à cette pratique, le carnet de Michel Leiris glissa vite vers le journal intime, comme s'il était allé de soi que, s'il se borne à des notations extérieures et se tait sur ce qu'il est lui-même, l'observateur fausse le jeu en masquant un élément capital de la situation concrète. Au demeurant, celui pour qui ce voyage représentait une enthousiasmante diversion à une vie littéraire dont il s'accommodait mal n'avait-il pas à rendre compte d'une expérience cruciale : sa confrontation tant avec une science toute neuve pour lui qu'avec ce monde africain qu'il ne connaissait guère que par sa légende ?
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1931. Invité par l'ethnologue Marcel Griaule, Michel Leiris se joint à la mission scientifique Dakar-Djibouti, pour un voyage de 21 mois à travers l'Afrique. Il est supposé tenir le carnet de route de l'expédition mais, bien vite, ses propres impressions prennent le dessus. Avec une subjectivité revendiquée, attitude inhabituelle pour l'époque, l'auteur découvre l'Afrique coloniale avec ses mystères mais aussi ses bassesses.